Faut-il continuer à publier des caricatures de Mahomet au risque de choquer la communauté musulmane ? Quinze jours après les attentats à Charlie Hebdo, la question divise les français, même si une majorité d’entre eux, relative (57%), se dégage en faveur d’une liberté d’expression sans limite.
Voltaire, Diderot, d’Holbach et quelques autres bouffaient déjà du curé alors que la liberté d’expression, encore dans les limbes de la grande Révolution à venir, n’était pas élevée au rang de principe inviolable, ni inscrite dans le marbre de la déclaration des droits de l’Homme accouchée par les notables de 1789. Deux cents ans après, personne ou presque ne conteste cette valeur-refuge de la République, et c’est heureux. Mais l’attentat commis à Charlie Hebdo a redonné du souffle à ceux qui pensent que cette liberté chérie doit ménager les sensibilités spirituelles d’autrui, ne pas heurter les consciences et défendre avec force plutôt qu’attaquer avec mépris.
Le 14 janvier dernier, les rescapés du journal satirique, en réponse à l’attaque terroriste perpétrée, dans leurs locaux, par des fondamentalistes islamistes qui estimaient que Mahomet avait été insulté par leurs caricatures, ont choisi de publier un nouveau dessin du prophète, brandissant un message pacifique à travers une pancarte « Je suis Charlie ». Cette couverture n’a laissé personne insensible : parmi les musulmans, il y a ceux qui se sont tus, et les autres, en France et ailleurs, qui dénonçaient une nouvelle provocation. Au Niger, des manifestations anti-Charlie ont éclaté, faisant au moins dix morts et une cinquantaine de blessés.
Déchéance de la nationalité française
A chaud, quel regard portent les français sur toutes ces bondieuseries qui (re)surgissent comme à rebours de l’esprit des Lumières? Selon un sondage Ifop publié dans le Journal du Dimanche, 57% se prononcent en faveur d’une liberté d’expression totale qui ne doit « pas tenir compte de ces réactions » et permette que « ce type de caricatures puisse continuer à être publiées ». 42% pensent le contraire.
Les avis sont très partagés sur le sort à réserver à la libre expression sur internet, 50% estimant que la parole doit « être limitée sur les réseaux sociaux ». 49% sont opposés à cette mesure et souhaitent que les choses restent en l’état.
En revanche, une forte majorité de français demandent un durcissement de la législation contre le terrorisme : 81% sont pour « la déchéance de nationalité française des binationaux reconnus coupables d’actes de terrorisme sur le sol français », 68% souhaitent que les autorités interdisent « le retour en France de citoyens français soupçonnés d’être allés se battre dans des pays ou régions contrôlés par des groupes terroristes ».